Chambre des communes - le 10 février, 1999:
M. Bill Blaikie (Winnipeg-Transcona, NPD): Monsieur le Président, le Nouveau Parti démocratique voit l'entente sur l'union sociale comme un développement qui pourrait être positif pour le genre de fédéralisme coopératif que nous prônons depuis longtemps.
Le NPD appuie depuis longtemps le principe du fédéralisme coopératif. Tout récemment, un groupe de députés néo-démocrates a présenté un rapport à notre conseil fédéral, dans lequel on appuyait une union sociale fondée sur le développement coopératif et sur l'application de normes aux programmes sociaux pancanadiens.
Dans la mesure où l'entente sur l'union sociale se veut une tentative pour établir un tel cadre de prise de décisions en coopération avec les gouvernements qui collaborent à la création de programmes axés sur les besoins des Canadiens, celle-ci constitue un premier pas dans la bonne direction.
Le NPD est heureux que l'élaboration d'une nouvelle politique sociale améliorée semble être à l'avant-plan des priorités gouvernementales. Nous espérons que l'entente permettra de dénouer l'impasse qui a empêché l'adoption de programmes nationaux pour lesquels il existe un besoin urgent, notamment le programme national de garderies et le programme national de logements, sans parler d'un régime national d'assurance-médicaments. Toutes ces initiatives ont été promises à un moment donné ou l'autre par le parti au pouvoir.
Donc, nous pensons que l'union sociale est un premier pas dans la bonne direction, c'est-à-dire vers un fédéralisme plus coopératif et moins conflictuel, au sein duquel les gouvernements travaillent ensemble pour répondre aux besoins des Canadiens dans un contexte qui affirme les normes nationales et la pertinence permanente du pouvoir de dépenser du fédéral.
Depuis quelques années, l'une des plus graves menaces aux programmes sociaux pancanadiens a été la décision prise unilatéralement par le gouvernement fédéral de retirer son soutien financier. Par exemple, la proportion des coûts de santé assumée par le fédéral, qui était de 50 p. 100 lorsque le régime d'assurance-maladie a été mis en place, est maintenant inférieure à 15 p. 100.
L'entente-cadre sur l'union sociale ne s'accompagne d'aucune offre spéciale de fonds fédéraux ni d'un mécanisme ferme garantissant que le gouvernement fédéral continue dans l'avenir à verser sa juste part des cotisations aux programmes sociaux.
L'union sociale ne donnera de bons résultats que si le gouvernement fédéral prend cet engagement et si, en même temps, l'entente est modifiée pour empêcher toute action unilatérale, surtout une action visant à réduire unilatéralement les cotisations fédérales.
Nous sommes donc d'avis que l'union sociale fonctionnera seulement si le gouvernement fédéral paie sa juste part, s'engage à continuer de le faire à l'avenir et accepte de ne pas réduire unilatéralement les paiements de transfert.
Les néo-démocrates constatent avec plaisir que l'entente-cadre sur l'union sociale et l'échange de lettres entre les premiers ministres provinciaux et fédéral ont réaffirmé les principes de la Loi canadienne sur la santé, qui protège l'universalité du régime public d'assurance-maladie.
L'entente-cadre sur l'union sociale doit donc servir à arrêter la tendance, dans certaines provinces, à adopter une médecine à deux vitesses de style américain.
L'entente-cadre fait allusion plusieurs fois à la transparence, à l'imputabilité publique et à la participation de tierces parties. En principe, c'est excellent, mais il reste que le libellé est très vague.
En fait, le processus de négociation qui a abouti à cette entente manquait sérieusement de transparence. Nous tenons à exprimer publiquement nos critiques et celles de nombreux autres concitoyens à l'égard de ce processus. Malgré toutes les vertus de l'entente, un grand nombre de Canadiens ont jugé le processus très insatisfaisant, et avec raison.
Les néo-démocrates fédéraux veilleront donc à ce que les gouvernements donnent suite à ces promesses en adoptant des mesures efficaces pour garantir la transparence et la reddition de comptes.
Le texte de l'entente est cependant incomplet quant à l'importance d'avoir un organisme de surveillance permettant aux Canadiens de juger si les deux niveaux de gouvernement respectent leurs obligations sous le régime de l'union sociale.
On ne s'est pas encore entendu sur le cadre d'imputabilité à l'égard des nouvelles initiatives sociales. L'entente prévoit que les citoyens pourront en appeler des pratiques administratives inéquitables, mais le mécanisme à cet égard doit être fourni par le gouvernement qui offre le service lui-même et non par un organisme indépendant, tel que le préconisait le rapport que le comité du NPD a présenté à notre conseil fédéral il y a deux semaines.
Les Canadiens veulent avoir leur mot à dire quand il s'agit de juger dans quelle mesure ils sont bien servis par leurs programmes sociaux comme celui de la santé. Les néo-démocrates exerceront une surveillance étroite pour s'assurer que l'union sociale évolue d'une façon qui leur permette d'avoir ce genre de participation.
Le Canada est un pays signataire du Pacte international relatif aux droits sociaux, économiques et culturels, de même que d'autres pactes établissant les droits sociaux des Canadiens. L'entente sur l'union sociale ne fait aucune allusion aux droits sociaux des Canadiens et ne prévoit aucun mécanisme pour veiller à ce que les deux niveaux de gouvernement les respectent. Il s'agit là, à notre avis, d'une lacune importante, qui pourrait être comblée au moyen de modifications ou de changements ultérieurs à l'entente-cadre sur l'union sociale.
Les néo-démocrates veulent une entente sur l'union sociale qui reconnaît les droits sociaux des Canadiens et ils tenteront d'atteindre cet objectif.
Au sujet des autochtones, l'entente-cadre précise bien que rien dans l'accord ne compromet les droits des autochtones et que les gouvernements signataires s'engagent à collaborer avec les peuples autochtones «pour trouver des solutions pratiques à leurs besoins pressants». Nous veillerons à ce que ces consultations soient sérieuses et se traduisent par des mesures concrètes.
Enfin, le gouvernement du Québec n'a pas signé l'entente-cadre sur l'union sociale, qui demeurera incomplète tant que cette province ne l'aura pas ratifiée.
Nous voyons dans l'union sociale une forme de fédéralisme asymétrique par défaut. Cela ne nous inquiète pas autant que d'autres, puisque nous avons toujours pensé qu'il nous fallait une forme quelconque de fédéralisme asymétrique pour régler les problèmes touchant à l'unité nationale du Canada. Par le passé, nous partagions les réserves de certains concernant la nécessité de décentraliser pour donner plus de pouvoirs aux dix provinces afin de satisfaire les besoins spéciaux et distinctifs d'une seule province.
Nous voyons dans l'entente sur l'union sociale, plus par défaut qu'à dessein, un aspect du fédéralisme asymétrique qui crée une situation où les besoins des Québécois en tant que citoyens du Canada seront satisfaits et où les Québécois pourront profiter, eux aussi, des avantages de l'union sociale.
Le fédéralisme fonctionne souvent de façon mystérieuse. Nous voyons dans cette entente l'amorce d'un nouveau départ. Espérons qu'il se réalisera.
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